Cette année, puisque je suis un almanach culinaire inspiré par les traditions populaires, j'ai décidé de m'intéresser au Carême. Je n'ai jamais au grand jamais célébré le Carême, malgré mes origines catholiques. "Renoncer à quelque chose" semble abominable et mélodramatique. Ça sent la privation, le martyre auto-infligé... Franchement, quel intérêt?
Pourtant, le Carême, ce n'est pas qu'affaire de privation. Bon nombre de cultures et de traditions incluent une période de renoncement (en général un jeûne) dans leurs calendriers. S'agit-il d'imposer des privations physiques, d'infliger des douleurs, de faire connaître le martyre aux ouailles obéissantes, juste pour le plaisir? Peut-être, mais c'est aussi la meilleure façon de faire le vide. C'est une période de réflexion, et l'occasion donnée de recentrer ses priorités, de revenir à une vie plus simple, plus saine, même pour une courte période.
Le Carême, qui arrive au printemps, permet de purifier, de se débarrasser du superflu, de l'encombrant, afin de pouvoir faire peau neuve. C'est le Printemps, et pas besoin d'adhérer à une religion pour célébrer la saison du renouveau.
En renonçant au vieux, à l'usé, on invite le neuf (idées, habitudes, joies, enthousiasmes) à entrer dans nos vies.
J'ai une proposition pour vous, ce printemps: une "privation" qui parlera à votre raison et vous donnera en même temps des points de karma. Pour le Carême: renoncez aux récipients jetables!
Voici quelques idées et suggestions. Vous les suivrez peut-être toutes, pendant 6 semaines, jusqu'à Pâques, voire pour toujours, ou vous vous contenterez de renoncer à une seule chose, pour une semaine. Le plus petit pas est une avancée formidable et vous inspirera sans doute à poursuivre.
N'oubliez pas non plus que, même si nous avons une responsabilité individuelle, les grosses entreprises qui nous imposent des marchandises emballées sous des kilos de plastique ont un rôle à jouer dans le gaïacide. Pourtant, à ce jour, elles ne sont pas tenues de rendre des comptes. Faisons-leur endosser leurs fautes. Responsabilisons-les. Payer pour leur dégâts les ferait peut-être réfléchir à leur addiction à l'emballage.
Rappelons-nous aussi que nos sociétés nous imposent un style de vie ne nous laissant pas le temps de pauser, de réfléchir à nos actes et d'agir avec bon sens. On est toujours dans la hâte, la tête dans le guidon. A cet égard, les solutions faciles telles que la nourriture toute-prête et emballée sont très tentantes. C'est notre système entier qu'il nous faut reconsidérer... Peut-être profiterez-vous du printemps pour y réfléchir.
Suggestions - Sacs en plastique. Ces sales bêtes sont partout! Pour y échapper... n'en prenez pas. Mettez les petits achats dans votre sac ou portez-les à la main. C'est un sac plastique d'économisé! Une bonne astuce est de porter en permanence un sac à commissions (dans votre sac, votre voiture), léger et peu encombrant. Voilà un moyen d'agir de façon responsable sans trop d'efforts!
Vous pouvez aussi refuser les petits sacs transparents à fruits et légumes. Réutilisez ceux que vous avez rapportés de vos dernières courses. Cessez de jeter vos sacs après une seule utilisation: c'est insensé! Lavez-les s'ils semblent sales et réutilisez-les, encore et encore. Je réutilise mes sacs une trentaine de fois. Vous imaginez la quantité de plastique j'économise? Ayez-en toujours un ou deux à chaque instant, pour les achats spontanés, et prenez-en une poignée (ou une brassée, pour les collectivités ou les familles nombreuses!) avant de partir en courses.
Souvenir de Brooklyn:
une tasse isotherme très chouette (au couvercle vissable!) de chez Gorilla Coffee
- Tasses et ustensiles en plastique ou papier.C'est un problème répandu en Amérique du Nord, haut lieu de la culture des boissons chaudes à emporter. (Dans certains paysages urbains de type banlieue, on fait même la queue au "drive through", une guérite où on achète son "double soy latte" sans descendre de sa voiture -avec le moteur qui tourne, bien entendu).
N'oubliez pas de préciser à la commande que vous désirez consommer sur place (nom de code pour "donnez-moi une vraie tasse"), ou demandez directement une tasse en céramique ou en verre.
Si vous voulez votre boisson "to go", c'est à dire à emporter, ou si vous fréquentez un établissement uniquement pourvu de tasses jetables (oui, ça existe encore, même ici à San Francisco!), apportez votre propre récipient: tasse isotherme (pour votre santé: pas d'intérieur plastique! De l'acier inoxydable!), tasse de terre cuite, ou même, pourquoi pas, un pot de verre muni d'un couvercle vissable. Utilisez des cuillers en métal (demandez-en au comptoir s'ils n'en mettent pas à votre disposition).
- Eau en bouteille. Non seulement ces petites choses à l'aspect innocent polluent lors de leur fabrication et de leur élimination, mais n'avez-vous pas entendu qu'il était dangereux de boire dans du plastique? Que les produits chimiques qui le composent se retrouvent dans votre eau et, pour finir, dans votre corps? (lisez
ceci ou encore
cela -désolée pour la mention des tests sur animaux...) Je ne suis pas une scientifique, et je m'en voudrais de répandre de fausses rumeurs (on affirme aussi que le plastique n'est pas si toxique), mais une chose est sûre: les récipients de plastique jetables sont abominables pour l'environnement.
Investissez dans une de ces chic gourdes métalliques, de préférence en acier inoxydable (je ne suis pas fan de l'aluminium), et remplissez-la d'eau du robinet filtrée.
Couverts en bambou renouvelable dans une pochette faite de sacs plastiques de récup'
fabriquée par les travailleuses de Conserve, une ONG indienne.
- Récipients pour la nourriture à emporter. Un peu de sérieux: les boîtes jetables de polystyrène, plastique et même papier
ne sont pas bonnes pour la planète. Ici en Amérique du Nord, au restaurant, on ne laisse pas les reliefs de ses repas (les portions sont ENORMES, il est difficile de tout finir): on en fait un
doggie bag, littéralement un sac pour le chien, qu'on rapporte à la maison pour consommer le lendemain. Pour emballer vos restes, le restaurant vous fournit une boîte jetable. La solution: apportez votre propre récipient. Moi, j'utilise un pot de verre à couvercle vissable ou une thermos à soupe japonaise achetée pour quelques dollars aux soldes de l'Armée du Salut. Peur d'avoir l'air stupide avec votre gamelle? Si vous avez des insécurités d'image, j'ai une seule chose à vous dire: je parie que votre pot de verre aura l'air super cool si vous-même avez l'air super cool, donc: travaillez votre style... Ce qui a vraiment l'air stupide, c'est vous détruisant les océans.
Vous pouvez aussi vous procurer une de ces chouettes gamelles métalliques asiatiques pour transporter la nourriture.
boîte à fricot Chinoise du XIX (trouvée ici) gamelles hermétiques en acier inoxydable (trouvées ici) Pour les plats à emporter, c'est plus compliqué. En commandant au comptoir, tendez-leur votre gamelle. Ne soyez pas timide! Souriez et pensez à tous les dauphins et albatros que vous ne tuez pas! Si vous n'avez pas de récipient, pourquoi ne pas vous asseoir et manger sur place? Vous aviez bien besoin d'une petite pause...
Vous vous faites livrer? Allez donc chercher votre fricot! Une petite balade vous fera le plus grand bien! Comment ça: "C'est trop loin pour s'y rendre à pied/à vélo"? Vous voulez dire que vous passez commande à des établissements qui gaspilleront du carburant pour vous transporter de la nourriture? Ça me laisse sans voix...
quelques récipients - N'achetez pas de nourriture emballée.
C'est le plus difficile, car on a l'impression de ne pas avoir le choix. Pourtant, vous l'avez. Certains magasins sont des zinzins de l'emballage, et vous n'avez pas à soutenir ce choix irresponsable. Faites vos courses là où vous pouvez acheter en vrac (et réutilisez vos propres sacs). Fréquentez les marchés. Devenez membre d'une
AMAP, et recevez chaque semaine votre caisse de légumes frais. Achetez des savons non emballés au lieu de savon liquide en bouteilles plastiques. Prenez comme critère d'achat, autant que le rapport qualité-prix, la quantité d'emballage.
La meilleure solution est de préparer vos repas le plus souvent possible, à base de produits non transformés. C'est plus simple que l'on pense, même pour les impotents des fourneaux! L'avantage: vous évitez tous les mauvais ingredients de la nourriture industrielle. C'est plus sain, pour vous et pour l'environnement. Avec un peu de bon sens et de pratique, vous pouvez cuisiner des plats rapides, sains et délicieux. Entraînez-vous, incorporez progressivement la cuisine à votre vie.
Mes astuces:La meilleure façon de verdir sans peine est de prendre de nouvelles habitudes. Faites du style de vie écolo une seconde nature, un réflexe, une chose à laquelle vous n'ayez pas à penser, le contraire d'une corvée. Facilitez-vous la tâche !
Beaucoup d'actes seraient des corvées si vous deviez réfléchir activement avant de les mettre en pratique (se sécher après la douche, prendre ses clés avant de sortir, remonter sa braguette, lacer ses chaussures, verrouiller la porte en sortant...) Pourtant votre cerveau les accepte comme une part de votre routine, il ne rechigne pas et agit par habitude. Entraînez-vous à faire de même pour les récipients.
Ce qui a marché pour moi:Je me suis bien dressée, conditionnée, comme un chien savant! Programmée comme un robot! Je n'ai pas à me
rappeler d'apporter mes propres emballages au magasin, c'est devenu un
réflexe.
J'entrepose mes sacs plastique au même endroit et j'en prends avant de partir en courses, de la même façon que j'attrape mes clés en sortant. Je fais de même pour d'autres récipients. Quand un récipient est vide (ma bouteille de tamari, ma boîte de café) je le range à proximité des sacs en plastique. Ainsi, je pense automatiquement à le prendre lorsque je sors faire mes courses. (C'est comme une liste de commissions, avec des récipients à remplir au lieu de mots à biffer).
J'ai énormément de chance: je fais mes achats à un endroit qui me permet de trouver presque tout en vrac (produits de beauté, d'hygiène et de ménage inclus). Je suis certaine que vous avez une coopérative bio près de chez vous: allez-y donc faire un tour.
Encore mieux, pour les intégristes!
Je croyais ne pas pouvoir éviter l'emballage pour certains articles, comme les laits végétaux. Tout faux! Je sais maintenant fabriquer mon propre lait d'amandes! C'est tout simple et économique!
Je n'achète pas de tomates en boîtes. J'avais congelé des tomates écrasées l'été dernier, et j'ai des pétales déshydratées tomates séchées. Je ne trouve pas nécessaire d'utiliser des tomates hors saison -et j'en ai vraiment consommé tout mon soûl l'été passé. Si vous voulez des tomates toute l'année, pourquoi n'en congelez-vous pas l'été prochain? Faites-en une purée et que vous diviserez en petites quantité (ainsi, vous décongelez ce dont vous aurez besoin, au fur et à mesure) dans des pots en verre (ne les remplissez pas à ras bord: le pot casserait). Vous pouvez aussi en faire des conserves.
(PS: j'ai aussi lu que l'intérieur des boîtes de conserves pourrait être toxique...)On peut toujours mieux faire Personne ne peut atteindre la "perfection". J'aime le goût du beurre végétal Earth Balance sur mes tartines (ou fondu dans mon popcorn...) Mais il s'achète dans un pot en plastique. Je n'en mange pas chaque jour, et j'alterne avec du houmous maison ou des pâtes à tartiner d'oléagineux (arachide, noisette, amande…) achetées en vrac à ma coop bio!
Je tiens à préciser que je me déplace à pied et à vélo quasiment partout, et que ce n'est pas un obstacle pour le transport de mes récipients. Mes choix requièrent un peu plus de planning mais je trouve que ça en vaut a peine. Et j'en ai gagné un bonus inattendu: je suis aujourd'hui bien plus organisée dans ma vie en général que quand j'étais moins consciente.
Un dernier mot sur le "recyclage".Ici, on ne dit plus qu'on jette à la poubelle: on dit qu'on "recycle". J'aime la capacité de la langue anglaise à créer des verbes (on "google" au lieu de "rechercher sur Google", par exemple) mais appeler "jeter" "recycler" m'a vraiment brossée dans le mauvais sens du poil. Je viens d'un pays riche et industrialisé, adorant dilapider les ressources naturelles, mais la France n'arrive pas à la cheville des Etats-Unis en matière de gaspillage. Le gâchis est une pratique religieuse ici. Alors quand je vois les gens "recycler" d'un geste de la main, je trouve ça un tantinet hypocrite –voire ignorant. La seule façon de "recycler" soi-même est de donner à un objet une seconde chance en en faisant quelque chose d'autre. Sinon, ça s'appelle "jeter dans la poubelle du recyclage". Ensuite, cet objet sera peut-être,
ou peut-être pas, transporté jusqu'à une usine de recyclage qui le transformera.
Navrée de briser vos illusions, mais ça aussi, c'est du gaspillage: le recyclage entraîne une dépense d'énergie (pour le transport et la transformation). Il est très simpliste considérer qu'on aime la nature parce qu'on jette nos emballages dans la "poubelle verte". La seule manière de respecter la planète est de diminuer notre impact, et la seule manière de diminuer notre impact est de moins consommer. Rien à voir avec jeter ses emballages dans la poubelle appropriée.
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Ocean + plastic = sad, very sad...